C'est contraint par mon état convalescent après avoir été tamponné par une voiture alors que je roulais en vélo que je tente donc cet exercice d'épuisement depuis mon jardin inépuisable. Je me suis préparé ce matin en mettant un collant sous mon pantalon de travail quand je me suis habillé, j'ai aussi mis un chapeau en feutre par dessus mon bonnet et j'ai alors failli mettre un plaid sur mon dos en pensant à Joseph Beuys et sa couverture lors de sa rencontre avec un coyote, puis je me suis ravisé et j'ai mis mon parka de travail dont le bleu roi me fait ressembler à un gendarme, car il fait vraiment froid. J'ai cherché un petit moment l'enregistreur Zoom que j'avais top bien planqué dans un endroit discret de mon bureau, vérifié qu'il avait suffisamment de batteries, l'ai installé sur le pied photo Tourelle hérité de tata Marthe qui a fait le tout du monde avec, ai sorti de mon sac et taillé au taille crayon trois crayons de bois et pris mon carnet de terrain petit format, puis j'ai installé une chaise pliante dans le jardin, à l'angle de la maison, et posé l'enregistreur en direction du pommier qui est équipé d'une mangeoire où Sylvie dépose des boules de graisse avec des graines pour les oiseaux. 17h25 : ça va très vite, les pies jacassent, le reflet du soleil dans le mouvement d'une fenêtre de l'immeuble d'en face traverse le jardin, on entend une sirène, les moineaux qui piaillent, une mésange bleue et le son de la mailloche en bois flotté contre la cloche tibétaine qui est sous le pommier, agitée par le vent ; les pies jacassent et les moineaux piaillent à nouveau, la cloche tintinnabule, la mésange charbonnière s'approche du pommier, j'entends le tintement des deux petites cymbales en bronze frappées par un éclat d’obus, en bronze lui aussi, ramassé à la frontière italienne dans le Queyras, qui sert de battant ; les moineaux piaillent toujours depuis un jardin du voisinage, et j'entends des cris d'enfants derrière l'immeuble au fond du jardin ; j'entends la mésange bleue, une des pies jacasse à nouveau, il y a un oiseau qui chante dans le jardin du voisin et ça me fait penser à l'étourneau d'hier soir qui depuis la cheminée de mon voisin imitait d'autres oiseaux ; le vent agite les feuilles de lierre le long du tronc des bouleaux, les cymbales et la cloche tintent à nouveau, les moineaux piaillent toujours et la pie continue de jacasser ; le soleil illumine l'immeuble au fond du jardin, et il y a toujours un oiseau que je ne reconnais pas chez le voisin, qui me fait penser à un serin ou bien un chardonneret, mais ce n'est pas leur saison ; la pie jacasse, la mésange bleue chante et je la vois arriver dans le noisetier puis descendre dans le pot de la lavande où Sylvie a mis une boule de graisse avec des graines ; un rouge-gorge approche, il est dans le noisetier puis descend dans le houx, tandis que la mésange bleue est arrivée dans le pommier où il y a aussi une boule de graisse dans une mangeoire, mais elle n'y reste pas, sans doute parce que je suis trop proche ; le vent cette fois agite le carillon fait de tubes métalliques frappés par une légère pierre plate agitée par un couvercle de boite de conserve qui y est suspendu, et le vent agite aussi les feuilles vertes et luisantes de l'arum qui n'est pas très loin au pied du mur mitoyen avec le voisin ; le rouge gorge s'est posé sur la table en métal, ronde et délabrée, au fond du jardin : la mésange bleue est revenue dans le pot de lavande, tandis qu'au dessus d'elle une mésange charbonnière descend tout en gazouillant dans les branches du noisetier 17h43 : les cymbales chantent et l'arum est agité par le vent : la mésange charbonnière gazouille dans le jardin du voisin, le rouge-gorge est à nouveau dans le noisetier puis descend dans le pot de la lavande d'où il est chassé par la mésange charbonnière ; les moineaux piaillent dans le jardin du voisin, l'un d'eux, un mâle, vient de se poser sur une branche de la glycine au dessus la cabane à outils, tandis que la charbonnière est revenue dans le pot de la lavande en quête de gras et de graines ; 17h47 : fin de l'exercice d'épuisement en hommage à Nicolas, je récupère l'enregistreur que j'avais oublié de mettre en marche... seuls le crayon 6B et le carnet auront servi. Éric Collias