Une partie de "Squid Game" sur le toit du John K. Randle Center for Yorùbá History and Culture. Photo E. Guitard, février 2025
Lagos, Lagos Island, 8 février 2025, 13h12.
En ce début de samedi après-midi, sous un ciel couvert qui annonce l’arrivée des premières pluies, le parvis du John K. Randle Center for Yorùbá History and Culture est encore calme. Ouvert tout récemment au grand public, ce grand centre culturel à l’architecture novatrice, se voulant une réinterprétation moderne de références « vernaculaires » yorùbá, attire particulièrement la jeune élite économique et culturelle lagosienne, en quête de savoirs sur une partie de son histoire et de sa culture débarrassées des références coloniales britanniques.
Arrivée aux abords du grand bâtiment principal de couleur ocre, abritant un musée, j’aperçois pourtant de l’animation sur le toit en pente végétalisé. Un groupe d’une vingtaine de jeunes personnes, toutes en jogging verts, se rassemble face à deux autres personnes en combinaison intégrale rouge, capuche relevée et masque noir recouvrant leur visage. Une comptine enfantine dans une langue qui m’est inconnue retentie soudain, et je réalise immédiatement ce à quoi je suis en train d’assister : une reconstitution de la scène du « 1,2,3, soleil ! » de la fameuse série Netflix coréenne, "Squid Game". Au pied du bâtiment, deux jeunes hommes habillés de noir, masque relevé sur le front, passent près de moi en portant une grande glacière et me confirme qu’il s’agit bien d’une reproduction du jeu.
Venant de la direction opposée, un jeune homme en short passe nonchalamment en balançant une scie au bout de son bras. Il rentre dans le bâtiment à ma droite, qui abrite une piscine et des vestiaires et en ressort aussitôt à vélo, sa scie toujours dans l’une des mains tenant le guidon.
Sur ce bâtiment justement, face à l’entrée du musée, un grand panneau lumineux blanc annonce « Lagos State Christmas Village », assorti des logos du Lagos State Tourism, Arts and Culture Board et du Lagos State Government. Trois femmes et deux jeunes enfants, puis une jeune femme seule, se prennent successivement en photo avec leur téléphone devant.
Une garde en combinaison rouge et masque noir du jeu "Squid Game" passe en courant et entreprend l'ascension du toit (il doit faire terriblement chaud sous son déguisement !).
Plusieurs petits groupes et couples déambulent maintenant lentement sur le parvis, certains habillés à l’occidentale, d’autres en grandes tuniques et ensembles en ankara, aṣọ òkè ou adirẹ au design moderne et manifestement couteux. Les femmes surtout se font photographier/filmer, ou le font elles-mêmes, en marchant ou en posant. L’une prend ainsi longuement la pose pour son amie, assise dans un fauteuil devant le panneau lumineux. Deux autres posent ensemble sous un panneau de direction écrit en yorùbá.
Devant l’entrée du musée, des musiciens remballent leurs instruments, occidentaux et yorùbá, sans doute à la suite d’un concert donné plus tôt dans la journée. Juste devant le musée, une petite voiture violette Peugeot 107 est garée sur une estrade, derrière un grand panneau célébrant le voyage en solo et par la route de Londres à Lagos de Pelumi Nubi, une jeune femme nigériane. Plusieur.e.s visiteur.se.s s’arrêtent pour le lire et se prendre en photo avec la voiture.
Un homme passe en direction de l’entrée du musée, tenant par la main une fillette d’une dizaine d’années, vêtue d’une longue tunique flottant au vent en adirẹ violet et jaune, bordée aux manches et au col d’aṣọ òkè brillant, la tête ceinte d’un foulard assorti, un signe Ying chinois autour du cou et un petit ventilateur portatif à la main.
En fond sonore, on entend le bruit de la circulation (klaxons, sirène de police) et la musique de "Squid Game" dont le jeu se poursuit sur le toit du musée.