[08:46] Le lieu : la chambre, dans la chambre, le lit, sur le lit, l’ordinateur, le casque, la biographie de Susan Sontag par Benjamin Moser et le téléphone portable. Aucun bruit dans la pièce en dehors de celui des touches sur le clavier et, en appuyant sur play, la voix de la chorégraphe, artiste et metteuse en scène Gisèle Vienne interrogée sur son travail, dont elle explique qu’elle le remanie sans arrêt. Cela ne veut pas dire qu’on change tout, dit-elle – mais mille détails changent, et l’équipe. Je ne connais rien d’elle. Je l’ai découverte il y a quelques jours, au moment de la mort de David Lynch, lors d’une émission hommage de France Culture où elle me paraissait dire les choses les plus intéressantes de l’assemblée. Depuis, l’onglet où l’on peut accéder à cette conférence est resté ouvert et il me semble que ce samedi matin est tout indiqué pour aller l’écouter. Plus tôt dans la matinée (très tôt), tandis que je dormais encore, ma meilleure amie, que je connais depuis le lycée et n’avais pas vu depuis un an et demi, a quitté l’appartement sans bruit pour prendre un avion. C’est comme si toute la fatigue nerveuse de ces derniers jours, le mauvais sommeil, les somnifères qui ne suffisent plus, comme si ce manque d’énergie avait été balayé hier soir par sa présence, par nos souvenirs, nos rires. Je lui ai appris la technique du « bras impliable » en ki-aïkido (que le correcteur automatique aimerait bien transformer en « impubliable », mais non !) et elle m’a parlé body karaté. [08:56] Toujours aucun bruit dans la chambre, comme si personne, dans l’immeuble, ne vivait là. Que dit Gisèle Vienne si je relance le player ? Qu’elle a parfois besoin d’un temps de maturation très lent. Qu’elle s’intéresse à des pièces chorégraphiques d’époques très différentes. Elle fait remarquer que dans le spectacle vivant, il faut toujours présenter du neuf, comme si le reste était périmé. Cette relation au temps sans date de péremption m’apaise.